Quelques réflexions pour les 4 ans de
ce blog...
Après tout le chemin parcouru lors de mes recherches sur
l'histoire de la Marmite Norvégienne, j'essaie toujours de
comprendre pourquoi elle reste aussi méconnue, voire dérangeante.
Elle n'a vraiment été promotionnée
que pendant les guerres pour être vite oubliée une fois finies les
périodes de pénurie. Si elle était à nouveau valorisée, il n'est
pas sûr d'ailleurs qu'elle revienne vraiment sous ce nom-là, mais
ce serait plus simple pour tout le monde qu'on continue à l'appeler
ainsi ; ou qu'au moins on précise la filiation d'une nouveauté
avec la Marmite Norvégienne, cela éviterait de la redécouvrir à
chaque fois... Wonderbox, Wonderbag, Cuiseur thermos etc.
La liste
est longue et pourtant c'est toujours de la MN qu'il s'agit !
Il faut reconnaître qu'il n'est pas
aisé non plus de présenter la Marmite Norvégienne -déjà avec un
nom pareil !- comme le dernier must have en cuisine... Elle permet
pourtant d'économiser au moins 50% de l'énergie consacrée à la
cuisson des aliments, sinon plus. Son origine remonte à la
nuit des temps, et, mystère ?... elle reste une parfaite
inconnue pour la plupart des gens !
Essayez de discuter de la MN avec des
personnes sensibilisées à l'écologie et aux problèmes
environnementaux : au delà de l'intérêt poli, vous pourrez
constater que cela jette souvent... un froid !
Pour les suivre à la trace
régulièrement sur le net, je constate que les articles sur la MN
(ou autres désignations) sont très peu nombreux et suscitent
surtout l'indifférence, ce qui bien sûr n'exclue pas qu'elle
commence lentement à se faire connaître.
En tous cas,
actuellement, ceux qui s'y intéressent trouvent facilement de quoi
se documenter sur la toile !
L'énergie la plus propre et la plus
économique à produire est celle qu'on ne consomme pas, et la
MN s'y emploie brillamment. Or, à ma connaissance, elle n'est jamais
citée dans les recommandations officielles pour économiser
l'énergie dans la maison. Ça viendra peut-être un jour ? La
recherche scientifique ne semble toujours pas s'intéresser à elle
non plus...
C'est le côté dérangeant de la MN.
Dans un contexte écolo, ceux qui la connaissent vaguement peuvent se
sentir mal à l'aise avec quelqu'un se vantant de l'utiliser avec
bonheur : la culpabilité de ne pas en faire assez pour la
planète n'est pas loin... La MN a aussi contre elle sa faible
popularité (la cuisson solaire, bien que très peu pratiquée en
réalité, a meilleure presse), le poids des habitudes, le qu'en
dira-t-on etc. Tout cela fait que peu de gens passeront à l'acte. La
conversation sur la MN retombera vite, mais au moins vous aurez semé
quelque chose, on en aura entendu parler. À une autre occasion,
suite à une émission télévisée ou autre, le déclic se produira
peut-être ?
Selon vos interlocuteurs, vous pouvez
aussi passer pour quelqu'un de radin, se compliquant inutilement la
vie et refusant le progrès. N'oublions pas les relents négatifs
(contexte de privations, peur du lendemain etc.) qui ont pu se
transmettre de génération en génération pour ceux qui en auraient
déjà entendu parler... Et pour brouiller les pistes, elle est
désignée sous plusieurs appellations différentes ! Pas
étonnant que, comme s'en plaignaient déjà ses fervents défenseurs
en 1917, la MN ne suscite jamais beaucoup d'intérêt.
De nos jours, en majeure partie grâce
à internet, elle n'est plus figée dans l'image de la volumineuse
caisse isotherme. Son passé lié aux guerres s'éloignant des
mémoires, elle va forcément finir par se trouver une nouvelle
« peau », atténuant les résistances à son égard.
Celle qui est la plus coriace est notre
difficulté à anticiper la préparation d'un repas. Quand bien
même on s'en achèterait une toute prête, caisse ou Wonder Box ou
bag, ça serait toujours à nous de prévoir le plat au moins deux
heures à l'avance... La pratique de la MN s'inscrit dans une
démarche individuelle. Cela demande un effort qu'on fournira plus
facilement en étant convaincu des bienfaits de la MN mais qui,
reconnaissons-le, est difficile à déployer au départ.
Il ne s'agit pas d'imposer son usage,
l'important est surtout faire connaître son principe, de montrer que
cet auxiliaire de cuisine rend réellement service et contribue à
économiser l'énergie. Il n'y a pas de honte à ne pas l'utiliser
tous les jours (après tout, on peut manger crû, cuire sur un poêle
à bois ou utiliser d'autres modes de cuisson rapides). Mais en
cas de nécessité, telle une vieille amie fidèle, la MN saura se
rendre utile pour économiser une énergie de plus en plus rare et
chère.
Peut-être est-elle évoquée dans
certains ouvrages « survivalistes » anglo-saxons ?
Pour le moment, dans les best-sellers actuels du genre en français,
Survivre à l'effondrement économique (Piero San Giorgio, Le
retour aux sources, 2011) ou Rues barbares (Piero San Giorgio
et Vol West, Le retour aux sources, 2012), par ailleurs bourrés de
conseils concernant l'alimentation, elle brille par son absence.
Il est regrettable aussi que ce mode de
cuisson demeure encore inexploré par les grands cuisiniers. Certes,
les économies d'énergie ne les préoccupent pas vraiment. En plus,
la MN telle que nous l'utilisons dans nos cuisines va à l'encontre
des draconiennes normes d'hygiène à respecter dans la restauration.
Il existe pourtant des conteneurs isothermes, à usage professionnel
de grande qualité et agréés pour les collectivités, qui
pourraient se prêter en toute sécurité à des expériences
gastronomiques … À suivre ! Qui sait, un jour on
trouvera un nouveau nom pour récupérer le principe de la MN et
lancer une « nouvelle » façon de cuisiner branché ?
Les adeptes de la cuisson à basse
température la rejettent d'emblée car les aliments doivent
bouillir. D'autre part, sur le net, certains n'hésitent pas à dire
que la Marmite Norvégienne procure une cuisson saine préservant
vitamines et nutriments, mais aucune étude sérieuse n'a jamais
confirmé cela. Il faudrait déjà que la MN intéresse la
recherche... Comme il faut passer par le stade de l'ébullition, on
peut supposer que les vitamines doivent en prendre un coup ;
mais ensuite elles subissent une sorte de mijotage à température
décroissante. Les utilisateurs réguliers étant unanimes pour
affirmer que les plats sont goûteux et les saveurs rehaussées avec
ce type de cuisson, on peut en déduire que les nutriments ne s'en
sortent pas si mal.
Continuons à nous régaler avec nos
bons petits plats mijotés sans feu, ça finira bien par se savoir
que, si contraintes il y a avec la MN (anticiper un repas et lancer
la cuisson d'un plat un peu en avance), les efforts sont largement
récompensés au niveau de la saveur des aliments !
Comme on a pu le constater au cours de
l'histoire, la diffusion du principe de la MN est intimement liée
aux associations et autres initiatives désintéressées.
Actuellement, signe que la MN « revient au pays » (et
sans doute aussi signe des temps), le net recense de plus en plus
d'animations régulières (chercher sur Twitter
avec en mot-clé « marmite norvégienne »). via
les Maisons de la Nature ou des associations qui interviennent aussi
parfois en collèges ou lycées. Dans les ateliers proposés, on
reste encore dans le classique (le coffre isotherme), mais on
pourrait aussi envisager des stages de couture pour se confectionner
des « sacs à cuire » (ou autre expression plus jolie à
inventer), ou tout simplement des cours d'initiation avec une MN
faite avec trois fois rien et un repas cuit sur place...
Grâce à des associations comme
Bolivia Inti - Sud Soleil
et son réseau, après avoir été longtemps présentée dans l'ombre
des cuiseurs solaires, la MN a désormais enfin droit à la vedette
dans des ateliers qui lui sont exclusivement consacrés et quelque
chose me dit que ça ne fait que (re)commencer.